décembre 4, 2024
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Le président de la République élu, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, est un produit du monde rural, méthodique. Ses proches saluent sa rigueur.

À quoi peut penser Bassirou Diomaye Diakhar Faye au moment où sa victoire à l’élection présidentielle du 24 mars 2024 est annoncée ? À son enfance en milieu rural à Ndiandiaye, un village de la commune de Ndiaganiao ? À sa maman Khady Diouf qu’il aidait très souvent dans les tâches ménagères ? À son père, Samba Faye, ancien technicien agricole, responsable socialiste et compagnon d’un certain Niadiar Sène ? À son grand-père Ndiouma Kor Faye, ancien combattant qui s’est vaillamment battu pour la création d’une école au village en 1946 ? À son anniversaire inoubliable de cette année ou à sa nouvelle mission de Chef d’État ?

Cet inspecteur des Impôts et des Domaines qui a flirté avec le monde syndical et le milieu associatif a maintenant la lourde charge de mener aux destinées du Sénégal. Il est élu président de la République du Sénégal dans un contexte géopolitique mondial on ne peut plus agiter, où l’extrémisme gagne du terrain dans le Sahel et où le nouveau type de citoyen est devenu plus exigeant, veut tout et tout de suite. C’est un moment où ce nouveau citoyen, irrigué par le « big data », n’a plus la patience d’attendre ou d’apprendre. Dans un contexte pareil, sa période de grâce peut être beaucoup plus courte, comparé à celles de ses prédécesseurs.

Mais pour ceux qui le connaissent, cet énarque a un destin présidentiel. Son grand-père Ndiouma Kor Faye est un ancien combattant de la première guerre mondiale qui a été gravement blessé lors de la bataille de Verdun. Une fois de retour au pays, ce propriétaire terrien et chef du village de Ndiandiaye s’oppose à la maltraitance des populations locales qui étaient soumises aux travaux forcés collectifs de toutes sortes. Il a été arrêté de force et mis en prison à Podor sept mois durant. Ayant compris le rôle central de l’école comme ascenseur social, le grand-père du Président élu s’est battu pour la création d’une école publique à Ndiaganiao. C’était en 1949. En 1997, les ressortissants de Ndiaganiao lui ont rendu un vibrant hommage avec à la clef un concert avec des sommités africaines-américaines du reggae. Ils ont par la suite créé une fondation à lui dédiée. Plus tard, pour couronner le tout, les habitants de Ndiaganiao ont baptisé le lycée de la localité à son nom. Quant au père de Bassirou Diomaye Faye, il a aussi été chef de village. Ancien technicien agricole, il a sillonné le monde rural pour former les agriculteurs à l’usage de la petite machinerie agricole. Il a également milité activement au Parti socialiste, sous la houlette du défunt Ousmane Tanor Dieng, et avec Niadiar Sène, ancien député et dernier président de la communauté rurale de Ndiaganiao.

Valeurs cardinales


Son frère Pape Ndiouma Kor Faye, homonyme de son grand-père, est le censeur du lycée éponyme. Il retient de lui un très brillant élève. « Quand on est né et on a grandi dans ce milieu où l’éducation et le travail sont des valeurs cardinales, on a toujours une motivation supplémentaire pour exceller. Cela te pousse à l’effort. Bassirou est méthodique et s’est imposé une rigueur depuis qu’il est tout petit », témoigne-t-il. « En plus, explique le frère, en tant que descendant de Ndiouma Kor Faye, on n’a pas le droit de faire certaines choses, nous disait-on très souvent ».

Mor Sarr, son ami d’enfance est optimiste. Ce secrétaire général de la section communale de l’ex-Pastef de Ndiaganiao estime que Diomaye a la tête sur les épaules. Des épaules suffisamment larges pour supporter le poids de la charge. « Au collège, il était fort en littérature et moi dans les matières scientifiques. On s’est connu et on est devenu des amis depuis lors. Ce qui forge ses relations avec les autres, c’est l’excellence. Il est méthodique et peut payer tout l’or du monde pour le savoir », atteste M. Sarr qui est le parrain d’un des enfants de Diomaye.

Après le Baccalauréat obtenu au lycée Demba Diop de Mbour, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a fait la Faculté de Droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar d’où il est sorti avec une maîtrise avant d’intégrer l’École nationale de l’administration (Ena). Il réussit en même temps le concours de la magistrature. L’un de ses prénoms est une forme contractée du mot seereer Jiom (honneur, amour propre, dignité personnelle, pudeur, émulation) et May (plein) qui donne Jiom May, (celui qui est plein d’honneur et de dignité). L’autre prénom Diakhar signifie « qui ne peut avoir peur, qui n’est pas peureux, qui est courageux, hardi ».

Très tôt au service des siens


Adolescent, Bassirou aimait servir sa communauté, raconte Mor Sarr son ami des années de collège. « Il a créé une association des anciens du collège de Ndiaganiao, devenu plus tard lycée, pour fédérer les jeunes. Avec une partie de sa bourse d’étudiants, il achetait des livres de seconde main pour les jeunes du village. Il organisait aussi des cours de vacance à leur profit », se souvient M. Sarr. Comme tous les enfants de sa contrée, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a été initié au « Ndut » ou case de l’homme qui signifie littéralement « Nid ».  Dans le Ndut, écrit l’ancien député et ancien sénateur libéral Grégoire Birame Ngom, on met en œuvre quatre moyens d’éducation : (les chants, les devinettes, les épreuves physiques, la pédagogie nominale). « Durant toute la période du Ndut (un à trois mois) règnent l’ordre, l’harmonie, l’équilibre et la sécurité dans le village. Le Ndut est marqué par une éducation visant à inculquer aux initiés les hautes valeurs et conduites qu’exige la société traditionnelle : le courage, le sacrifice, le don de soi au profit de la société, la solidarité, le respect de la parole donnée, le culte de l’honneur, la dignité, l’endurance, etc. », témoigne l’homme politique. Cette étape de la vie de l’homme en pays seereer, où l’on apprend aussi à se contenter de ce que l’on a et toujours être bienveillant à l’égard de l’autre, a forgé aussi la vie du prochain locataire du Palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor, qui a assisté très souvent sa maman dans les travaux domestiques.

Humilité


Un peu avant la fin de la campagne électorale, Bassirou Diomaye Faye a fait sa déclaration de patrimoine. Il a, entre autres, des comptes créditeurs. Son homonyme qui est enseignant-chercheur en Stratégie en développement politique, n’est pas surpris de l’acte de son filleul. Il rappelle que son père qui est le grand-père de Diomaye avait, en 1966, refusé une proposition de prêt de 10 millions de FCfa faite par le Président Léopold Sédar Senghor en vue de valoriser ses terres. « La terre n’est pas à vendre, c’est une propriété matrimoniale », rétorquait l’aïeul au Président-poète qui avait pourtant accordé le même prêt aux « Lamanes » (propriétaires terriens) de l’époque.

Bassirou Diomaye Faye aime le répéter à qui veut l’entendre, il vient régulièrement au village pour voir la famille et les parents. « Il est attaché à son terroir. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a tenu coûte que coûte à se marier à une femme du village pour pouvoir garder le contact avec le pays natal », précise Mor Sarr. En plus d’être initié à la cause de l’homme, le ressortissant de Ndiandiaye a évolué dans le milieu associatif. Cet ancien joueur de « navétanes », a été le plus jeune président de l’association sportive et culturelle (Asc) de Ndiandiaye. Il a aussi initié des journées de consultation médicale et offert une ambulance au dispensaire de sa commune.

« Humilité, politesse, patience… »


Pour bien remplir l’exaltante mission qui l’attend, son homonyme Diomaye Faye l’invite « à garder son humilité, le sens de l’écoute, la politesse et la patience ». Un conseil que Mor Sarr et Pape Ndiouma Kor Faye s’approprient. Ce dernier l’invite, quoiqu’il advienne, à entretenir de bons rapports avec ses « amis d’hier », notamment ses frères politiques mais aussi sa famille biologique. « Il ne doit pas oublier qu’il est issu du monde rural et est porté au pouvoir par les jeunes », renchérit-il.

En attendant, Bassirou Diomaye Diakhar Faye pourra savourer la vie avec Marie Khone Faye et Absa Faye, ses deux épouses, mais aussi sa fille Coumba et ses fils Abdou Karim, Mor Talla et Ousmane Sonko. Une autre vie commence pour l’homme qui a soufflé ses 44 bougies ce 25 mars.

@Le Soleil


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