
Entrée samedi en Compétition du 76e Festival de Cannes, la jeune cinéaste Franco-Sénégalais Ramata-Toulaye Sy retrouve le pays de ses origines, le Sénégal, pour conter une histoire d’amour contrariée par les valeurs traditionnelles.
La plus jeune réalisatrice en compétition, signe ainsi un film puissant sur une femme en quête de liberté. « Banel et Adama » est un conte moderne sur l’émancipation.
LE FILM
Présenté samedi sur la Croisette, le film est entièrement en peul. Dans un village au nord du Sénégal, Banel vit une histoire d’amour puissante avec son mari Adama. Elle aime comme « seule une femme sait aimer » : inconditionnellement, pleinement. Aucune place pour le doute, le compromis. L’amour de Banel est une forteresse dans un village coupé de l’extérieur. Très vite, un tel amour est vécu comme une agression. « Le destin d’une jeune femme est de donner une descendance mâle à son mari », lui rappelle sa belle-mère. Pas pour Banel, à qui Adama suffit amplement. Au village, le temps est à la disette. La sécheresse remplit le cimetière. Les vaches meurent de soif. Humains et animaux scrutent un ciel impitoyable, désespérément sourd aux lamentations et supplications. Un coupable, il faut nécessairement un coupable pour expliquer cette absence de pluie. Parce que si le village se vide de ses habitants valides, si la mort emporte les plus fragiles, ce n’est pas sans raison. « Tout est lié, la sécheresse, ton amour pour Adama, ton envie de vivre dans une maison avec lui, seuls « , croit savoir son frère jumeau Racine, qui l’enjoint de changer et de se ranger. Mais Banel refuse de rentrer dans le rang, elle écarte l’idée de diluer son individualité dans le groupe. Banel, magnifiquement interpétée par Khady Mane, ne doute pas de son amour. Elle a peur qu’Adama vacille sur ses certitudes. En d’autres termes, elle ne craint pas le chaos, elle le sait fécond.
Qui est Ramata- Toulaye Sy
Ramata-Toulaye SY (Ramata-Toulaye Sy) est une scénariste et réalisatrice.
Elle est connue pour « Banel & Adama » (2023, Scénariste et Réalisatrice), « Astel » (2021), « Notre-Dame du Nil » (2019, coécrit avec Atiq Rahimi, réalisé par Atiq Rahimi), « Sibel » (2018, coécrit avec Çagla Zencirci & Guillaume Giovanetti, co-réalisé par Çagla Zencirci & Guillaume Giovanetti) et Tu garderas la nuit (2014, court métrage de Jérémie Sein).
Née le 14 juin 1986 à Bezons (France), de parents sénégalais, elle est diplômée de LA FEMIS (Paris, Promotion 2015, Département Scénario). Ramata Sy a reçu une Mention (pour son scénario « Dans la cour des grands », projet de long métrage) au Prix Sopadin 2013 des meilleurs scénaristes, en France.
Après avoir effectué un Master 1 Arts du spectacle mention Cinéma et Audiovisuel à l’Université Paris Nanterre et un Master 2 spécialité Scénario au Conservatoire Libre du Cinéma Français, Ramata Sy a suivi les Ateliers Egalité des Chances à La Fémis en 2009-2010. Reçue au concours de La Fémis en 2011 au département Scénario, elle en sort diplômée en 2015.
Ramata Sy a travaillé en tant que scénariste sur le film « Sibel », sorti en mars 2019 et coréalisé par Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti. Elle est co-scénariste du film « Notre-Dame du Nil » d’Atiq Rahimi, sorti le 5 février 2020 en salles après avoir fait l’ouverture du Festival international du film de Toronto 2019. Il s’agit d’une adaptation du roman éponyme de Scholastique Mukasonga qui traite de la montée des tensions entre Tutsis et Hutus dans le Rwanda des années 1970.
Au TIFF 2021 (Toronto), elle remporte le Prix IMDbPro Short Cuts, pour son court métrage « Astel ». Pour le jury : « ASTEL de Ramata-Toulaye Sy nous a émus avec sa narration puissante, ses belles prises de vue et une performance principale captivante qui explore les nuances complexes de la féminité, du patriarcat et de la maturité quand on s’y attend le moins ».
ASTEL a été nommé au César du meilleur court métrage 2023.
Son premier long métrage BANEL & ADAMA (2023) fait sa Première Mondiale au 76è Festival de Cannes (nominé pour la Palme d’Or et la Caméra d’Or 2023).