Interview exclusive : Tonton Jules, l’héritier de la musique afro-mandingue

En l’espace de quelques années, Tonton Jules a su se frayer un chemin unique sur la scène musicale sénégalaise. D’abord…
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En l’espace de quelques années, Tonton Jules a su se frayer un chemin unique sur la scène musicale sénégalaise. D’abord révélé aux côtés de son oncle Willy Boy, figure emblématique du groupe Kermendeng, il a forgé son identité artistique dans le sillon d’un héritage riche et puissant. Après la disparition soudaine de son mentor, le jeune artiste a dû surmonter une épreuve immense, à la fois personnelle et professionnelle. Aujourd’hui, il revient en force avec un nouveau projet, « Djomol« , une œuvre qui transcende la douleur pour en faire une véritable confession musicale.

Le jeune prodige se confie à  dans un entretien exclusif réalisé par le journaliste Arfang Lang Konté.

Kéranos Média : Le grand public vous a découvert aux côtés de votre oncle, Willy Boy, dont le talent a marqué la scène musicale sénégalaise. Pour ceux qui vous découvrent, pouvez-vous vous présenter et nous raconter l’histoire qui vous lie au groupe Kermending ?

Tonton Jules : Depuis l’âge de six ans, Willy Boy a été bien plus qu’un oncle pour moi : il est devenu un père. Ma mère, souvent en voyage, m’avait confié à lui. C’est dans sa boutique, face à la maison familiale, que j’ai grandi à ses côtés. Il répétait ses chansons et, en cachette, je les murmurais. Un jour, il a eu l’idée folle de me faire monter sur scène à Goudomp pour un playback devant une foule immense. Cet instant a marqué les journaux et, surtout, ma vie. Ce fut ma première immersion dans le monde du showbiz.

Kéranos Média : Son départ si tôt a mis fin à une collaboration unique et a bouleversé votre carrière. Comment ce deuil, à la fois personnel et professionnel, a-t-il agi comme un déclencheur pour vous permettre de prendre la relève et de porter ce projet qui, nous le voyons aujourd’hui, est plus vivant que jamais ?

Tonton Jules : Le voir partir si tôt fut un choc, une épreuve presque insurmontable. J’ai perdu bien plus qu’un guide : un ami, un conseiller, un père. J’ai dû prendre du recul pour faire mon deuil et marquer une longue pause, non seulement pour des raisons personnelles, mais aussi professionnelles, car je suis à la fois artiste et étudiant en sociologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Avec mon équipe, nous avons profité de ce temps pour nous réorganiser et bâtir une structure plus solide, avec une vision claire : miser sur le visuel, réaliser des clips de qualité et, surtout, marier le traditionnel et le moderne pour faire voyager la musique afro-mandingue au-delà des frontières.

Kéranos Média : Après cette épreuve, le fait d’avoir relancé votre carrière est un signe de votre persévérance. Comment avez-vous réussi à vous approprier la scène et à retrouver l’envie de créer tout en respectant l’héritage musical laissé par votre oncle ? Et comment le succès actuel a-t-il été accueilli par vous et votre entourage, sachant le chemin parcouru pour y arriver ?

Tonton Jules : De cette épreuve est née en moi une force nouvelle. J’ai compris le poids immense de la responsabilité qui reposait désormais sur mes épaules. Kermending n’est pas qu’un héritage : c’est un patrimoine culturel. J’ai pris conscience de la mission qui m’incombait et j’ai décidé de m’y consacrer corps et âme. Le succès actuel n’est pas le fruit du hasard, mais celui d’un travail acharné. Il nous pousse à viser toujours plus haut. Par la grâce de Dieu, nous atteindrons les sommets.

Kéranos Média : Votre nouveau projet rend-il hommage à l’héritage qu’il vous a laissé au sein du groupe Kermending ?

Tonton Jules : Ce nouveau projet est avant tout un témoignage. Il retrace la naissance du groupe Kermending, les épreuves traversées, les moments de peine et de doute, mais aussi la détermination qui nous anime. C’est une véritable confession, une lumière portée sur notre volonté de faire découvrir au monde entier la richesse et l’authenticité de la culture afro-mandingue.

Kéranos Média : Votre déclaration « Quand le silence devient musique, l’histoire commence » est très forte. Pouvez-vous nous parler de cette période de « silence » après le décès de votre oncle ? Qu’est-ce qui a déclenché le déclic créatif pour transformer cette absence en une nouvelle énergie musicale ?

Tonton Jules : Après le décès de mon oncle, un grand vide s’est installé en moi. Ce silence n’était pas seulement l’absence de sa voix, mais la perte d’un repère, d’un pilier. Pourtant, c’est dans ce silence que j’ai trouvé une nouvelle force. J’ai compris que la musique pouvait devenir le langage qui comble ce vide, le lien entre ce qui n’est plus et ce qui doit continuer. Le déclic créatif est né de cette évidence : son héritage ne devait pas mourir avec lui. Chaque note, chaque rythme est devenu un hommage, une manière de transformer ma douleur en énergie positive. Ce silence a été une respiration avant une nouvelle histoire. Ma musique s’est nourrie de cette blessure, mais aussi de l’amour et des valeurs qu’il m’a transmises.

Kéranos Média : Vous décrivez votre musique comme « une émotion prête à exploser » et non comme un simple « son ». Concrètement, comment cette émotion se traduit-elle dans la composition, les paroles de ce nouveau projet ?

Tonton Jules : Le morceau Djomol est rempli d’émotions, car c’est le cœur qui s’exprime. Chaque phrase peut être considérée comme un chapitre de vie. Après la disparition de mon oncle, beaucoup de rumeurs ont circulé : certains doutaient de l’avenir de Kermending, d’autres se proclamaient déjà « rois » de la musique casamançaise. Pendant que je faisais mon deuil dans le silence, certains pensaient que Tonton Jules était fini. Pourtant, le 19 juillet 2025, j’ai rempli la Voile D’or de Dakar, devenant le premier artiste casamançais à faire un grand concert à cet endroit. Djomol vient leur rappeler que Kermending est bien plus qu’un héritage : c’est un patrimoine. Et Tonton Jules n’est pas fini, il est plus que jamais debout. Dans un tempo à la fois doux, triste et ambiant, les paroles livrent des vérités dures et profondes. Rien n’est fiction : tout vient du cœur d’un lion blessé, mais toujours debout.

Kéranos Média : Surnommé « Prince de l’Afro Musique Mandingue », vous avez la responsabilité de porter cet héritage musical. Quelle est votre vision pour l’avenir de ce genre ? Comment comptez-vous le faire évoluer tout en restant fidèle à vos racines, et en quoi ce nouveau projet est-il la première pierre de cette nouvelle ère ?

Tonton Jules : Ce projet n’est pas qu’un album, c’est une alerte, un signal fort : l’annonce d’une nouvelle ère. Une trajectoire claire, une conquête assumée. L’objectif est net : faire briller la musique afro-mandingue au-delà des frontières, lui donner une place dans le patrimoine mondial et montrer au monde entier toute sa richesse et son originalité.

Par Arfang Lang KONTÉ

Lang Fils