
En Casamance en général et au Pakao en particulier, les rizières sont bien plus qu’un simple paysage : elles sont le cœur de la vie agricole et surtout un symbole fort de la culture locale. Chaque année, à l’approche de la récolte, les rizières arborent des nuances dorées, et les paysannes se préparent à une période de labeur intense, pénible et solidaire. En effet, la récolte du riz est une tradition qui se transmet de génération en génération, et c’est un moment très rythmé dans les différents villages du Pakao. La riziculture est d’une importance capitale en Casamance, car elle est la base de l’alimentation, de l’économie et de l’organisation sociale et culturelle des populations de cette zone sud. Elle assure l’autosuffisance alimentaire dans les villages, tout en étant au cœur des rites et traditions, et l’organisation du terroir en dépend directement. Bien que sa production soit confrontée à des défis environnementaux, la riziculture reste le pilier de la vie en Casamance en général et du Pakao en particulier.
Reportage.
Pénibilité du travail et manque de matériels agricoles

En cette matinée du samedi 18 octobre 2025, sous un soleil de plomb, une équipe du groupe Kéranosmédia a fait une immersion dans les rizières du Pakao Kéracounda pour observer et constater de visu la campagne de récolte du riz menée par les femmes du village. Comme à l’accoutumée à pareille époque de l’année, les femmes de toute la contrée du Pakao se retrouvent à longueur de journée dans les rizières pour récolter le riz.
À une centaine de mètres, on aperçoit un premier groupe composé d’une dizaine de femmes, venues ce matin dans la rizière de l’une d’entre elles pour la séance de récolte matinale appelée sormo. Un peu perplexes par notre présence, l’une d’elles nous questionne : « Qu’est-ce que vous êtes venus faire ici ? »
« On est venu pour voir les conditions dans lesquelles vous travaillez », rétorque Monsieur Mamadou Solly. Certaines d’entre elles sont un peu gênées par la présence des caméras. Cependant, après une explication approfondie, Nna Kady Diol Dabo est choisie à l’unanimité pour porter la parole du groupe. Selon elle, « les femmes du Pakao travaillent dans des conditions exécrables. D’abord, les champs sont parfois loin du village, et ensuite tous les travaux se font quasiment à la main », dit-elle. « Certes, parfois les tracteurs viennent, mais ils ne peuvent pas labourer certaines rizières à cause de l’acidité des sols ou des racines d’arbres. Et c’est nous qui sommes obligées de labourer à la main », peste-t-elle.
À quelques encablures de ce premier groupe, se trouve une autre bande de femmes en train de couper les tiges de riz une à une. Quand elles nous aperçoivent, c’est le même regard inquisiteur. Après les salutations d’usage et les explications fournies, Fatou Seydi, appelée affectueusement Fatou Koulaty, et Kady Mané enchaînent : « Nous les femmes travaillons à la sueur de notre front chaque hivernage, du mois de juin au mois de décembre, avec des dabas pour cultiver et des coutelas pour récolter. C’est un travail très difficile, pénible et très épuisant », disent-elles.
En arpentant les sillons sableux entre les rizières, on aperçoit à quelques centaines de mètres, un troisième et dernier groupe de femmes, regroupées autour d’un amas de grappes de riz. Interrogée sur les conditions de travail, Kara Solly lance le même cri d’alarme : « Ce travail nous épuise complètement, car nous ne disposons d’aucun matériel moderne pour travailler dans les rizières. Nous faisons tout à la main et avec notre force physique. »
Transport et Stockage

Après avoir passé une demi-journée ou une journée entière à faire la récolte à la main, ces braves femmes rangent les grappes de riz dans des bols et des bassines et les portent sur leurs têtes pour les acheminer à la maison afin de les stocker dans des greniers.
Chez les Mandingues, le grenier traditionnel, appelé Bountoung, est installé sur une plate-forme très élevée (1,20 à 1,50 m), ce qui permet d’allumer facilement un feu à la base pour sécher et/ou traiter le stock par la fumée. Un toit conique, débordant largement la structure, protège le grenier de la pluie. Autrefois, la toiture était faite avec une sorte de paille, appelée Soulouniantang, et pouvait durer une dizaine d’années. Cette paille, qui poussait dans les bas-fonds utilisés maintenant pour la culture du riz, a disparu. Elle est remplacée par une graminée moins résistante, qui ne dure que quelques années.
Appel aux différentes autorités pour la modernisation du travail agricole

Toutes nos interlocutrices ont dénoncé les conditions difficiles dans lesquelles les femmes du Pakao travaillent dans les rizières. C’est la raison pour laquelle elles « lancent un appel solennel aux différentes autorités locales, à l’État du Sénégal, aux ONG et même aux auditeurs et followers de la RFK afin que les femmes du Pakao, à l’image de leurs paires de la vallée du fleuve Sénégal, puissent bénéficier de tracteurs, de machines moissonneuses-batteuses, d’engrais, afin non seulement d’augmenter les surfaces cultivées et les rendements, mais aussi d’économiser leur énergie et leur force physique pour mieux s’occuper de leurs maris et de leurs progénitures », concluent-elles.
Chérif M Touré et Modou K Solly


Je trouve très intéressant votre article, ça m’a permis de connaître la pénibilité des travaux des femmes mais aussi l’harmonie et l’attente entre ces braves dames