Face à la fracture Diomaye-Sonko, Oustaze Ahmadou Bamba Dramé a mobilisé les militants autour de la prière et du Saint Coran ce jeudi, transformant un rite religieux en un puissant message de pression politique.
Les tensions ouvertes entre le Président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko, ont rapidement cessé d’être une simple affaire d’Exécutif pour devenir une crise de conscience politique mobilisant la base militante du parti au pouvoir, PASTEF. Tandis que le sommet de l’État s’écharpe sur des questions d’autorité et de contrôle de la coalition (matérialisées par le duel entre Aïssatou Mbodji et Aminata Touré pour la direction de l’alliance), la section communale de PASTEF à Karantaba a choisi une voie singulière et profondément ancrée dans la tradition sénégalaise pour appeler à la réconciliation : la mobilisation spirituelle.
Face à la lenteur des mécanismes politiques classiques pour résoudre cette fracture, l’Oustaze Ahmadou Bamba Dramé, responsable de PASTEF Karantaba, a justifié le recours à la prière collective et à la lecture du Saint Coran. Son raisonnement est simple mais puissant : l’avis de la base militante pourrait tarder à atteindre le Président et le Premier ministre, mais la prière, elle, parvient immédiatement au Tout-Puissant, Allah. L’objectif déclaré est de transcender la querelle partisane pour assurer la paix, l’unité et la prospérité du Sénégal, condition sine qua non étant le rétablissement de la cohésion au sein du PASTEF et de la coalition au pouvoir.
Cette démarche pieuse se mue cependant en un avertissement politique d’une grande fermeté adressé directement au chef de l’État. Au nom des militants, l’Oustaze Dramé rappelle au Président Faye que son accession à la magistrature suprême doit tout à l’engagement et au sacrifice d’Ousmane Sonko. Il insiste sur le fait que l’avenir politique du Président est indissociable de son appartenance au PASTEF et du respect des promesses faites au peuple sénégalais : l’établissement de la souveraineté économique et monétaire, l’instauration d’une justice équitable, et le nécessaire « nettoyage » des « dinosaures politiques » de l’ancien système. L’Oustaze ne laisse aucune place à l’ambiguïté : un départ du PASTEF signifierait pour Diomaye Faye la perte immédiate du soutien des patriotes, notamment ceux de Karantaba, soulignant ainsi la forte dépendance du mandat présidentiel à la légitimité partisane incarnée par Sonko.
En conclusion de cet acte de foi et de pression politique, les participants ont réitéré leur allégeance totale et inconditionnelle à Ousmane Sonko. La confiance en son leadership est telle que, selon leurs propres mots, ils exécuteront ses directives, même si celles-ci devaient être un ordre de silence. Cet épisode met en lumière la tension délicate entre la neutralité et l’autorité de la fonction présidentielle que doit incarner Bassirou Diomaye Faye, et l’obéissance partisane absolue que la base militante, profondément loyale à Ousmane Sonko, attend de lui. Karantaba a ainsi transformé un rite religieux en un puissant message de réalignement politique.