Carrefour stratégique reliant plusieurs localités de la région de Dakar, le rond-point de Keur Massar est devenu le théâtre d’une occupation anarchique par des vendeurs ambulants, perturbant la mobilité urbaine et générant un désordre croissant. Malgré des opérations de déguerpissement, le problème persiste, mettant en lumière les défis liés à l’urbanisation rapide et à la gestion des espaces publics.
Un rond-point stratégique mais encombré
Situé à la croisée des communes de Keur Massar Sud et Nord, ce rond-point, équipé en 2022 d’un autopont financé à hauteur de 10 milliards de francs CFA, devait fluidifier la circulation entre Dakar et des localités comme Malika, Rufisque ou Thiès. Cependant, l’occupation de ses abords par des commerçants ambulants compromet aujourd’hui cette ambition. Sous l’autopont et le long des voies piétonnes, des étals de fruits, vêtements et appareils électroniques entravent le passage des piétons et des véhicules.
Les automobilistes font face à de longs embouteillages, tandis que les piétons, dépourvus de trottoirs, risquent leur vie à traverser entre les véhicules. À bord des minibus « Tata » ou des bus « Dakar Dem Dikk », les passagers sont pris au piège d’un chaos urbain quotidien.
L’échec des déguerpissements
Face à ce désordre, les communes de Keur Massar Sud et Nord ont mené des opérations de déguerpissement avec l’appui de la gendarmerie. Cependant, les résultats sont mitigés. « Cette situation s’explique par plusieurs facteurs, dont le relâchement des efforts entrepris depuis six mois par la commune de Keur Massar Sud », confie Moussa Fall, directeur de cabinet du maire. Il pointe également un manque de coordination entre les communes et une absence de politique intercommunale.
En juillet 2024, une opération avait libéré une partie de la voie publique. Mais six mois plus tard, les vendeurs ambulants ont réinvesti les lieux. « Nous n’allons jamais jeter l’éponge, mais il faut admettre que nous n’avons pas les moyens pour financer les opérations de déguerpissement », avoue M. Fall.
Les vendeurs ambulants : entre nécessité et illégalité
Pour les commerçants ambulants, cette occupation illégale est avant tout une question de survie. « Nous n’avons que cette activité pour subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles », affirme Bara Kane, un vendeur de friperie et délégué des ambulants. Il appelle les autorités à privilégier des solutions concertées, notamment le recasement dans des centres commerciaux.
Cependant, les défis sont multiples. « Le département n’a pratiquement plus d’assiette foncière libre », déclare Fatou Bambey Thiam Mboup, cheffe du service départemental de l’urbanisme. Selon elle, l’urbanisation anarchique de Keur Massar, où les installations ont précédé les aménagements, complique la recherche de sites de recasement.
Une urbanisation non maîtrisée
Avec une population de 770.314 habitants, Keur Massar est le troisième département le plus peuplé de la région de Dakar, après la capitale et Rufisque. Cette explosion démographique aggrave la pression sur les infrastructures. Mme Mboup estime qu’une restructuration profonde serait nécessaire, impliquant des moyens colossaux pour élargir les voies, aménager des espaces publics et recaser les habitants.
Un appel à une mobilisation collective
Pour Abdoulaye Diouf, chef du bureau du cadre de vie de Keur Massar Nord, la sensibilisation reste la meilleure stratégie. « Nous rappelons lors des échanges que le marchand ambulant ne doit pas mettre d’étals sur le trottoir mais circuler avec ses marchandises », explique-t-il. Mais sur le terrain, les efforts isolés des deux communes peinent à venir à bout de ce phénomène.
Fatou Bambey Thiam Mboup plaide pour une démarche participative impliquant toutes les communes du département. « Il faut aussi que les collectivités territoriales puissent trouver de gros moyens pour dérouler ces opérations de déguerpissement », ajoute-t-elle.
Le rond-point de Keur Massar symbolise les défis d’une urbanisation rapide et mal planifiée. Si les autorités locales ne manquent pas de volonté, le manque de coordination, de ressources et de solutions durables compromet la gestion de cet espace stratégique. Pour espérer résoudre ce problème, une synergie entre l’État, les collectivités territoriales et les commerçants ambulants semble impérative.
Avec APS
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