J’ai vu une vidéo choquante de migrants jetés dans le désert du Sahara -d’autres ont déjà péri en mer –qui circule sur la toile.
Le stress résidentiel est l’anxiété permanente qui habite les jeunes sans opportunités d’emploi et qui n’ont pas les moyens de financer un voyage à l’étranger. Ils considèrent ainsi que la seule voie de salut est l’émigration.
L’Afrique représente 22% de la surface du globe, 18% de la population mondiale, 30% des réserves minières du monde et 60% des terres arables non encore exploitées dans le monde. C’est le continent avec la population la plus jeune, la moins instruite, la plus pauvre et ayant la plus forte propension à prendre tous les risques pour migrer.
Pourtant on dit que c’est le continent de l’avenir. C’est peut-être même le continent du présent !
Au moins deux lauréats du prix Nobel d’économie (Esther Duflo en 2019 et David Card en 2021) ont eu à montrer que l’immigration (émigration pour nous) ne pose pas de problème à l’Union européenne et au Canada; du moins sur le plan économique. Avant eux, de grands économistes avaient déjà analysé le déplacement de la main d’œuvre du secteur traditionnel vers le secteur moderne (Lewis 1954) avec l’importance de l’agriculture qui devrait alimenter l’industrie (Fei et Ranis, 1961) ou le mouvement du milieu rural vers le milieu urbain (Harris et Todaro, 1970) avec l’espérance de revenus plus élevés (non pas des salaires effectivement plus élevés en milieu urbain).
En contextualisant cette analyse, un migrant qui sait que l’Ukraine est en guerre et qu’il n’y a pas de travail actuellement va y aller malgré tout, en se disant qu’après la guerre (s’il n’est pas touché par les missiles de Poutine bien sûr !), il trouvera un emploi qui lui procure un revenu plus élevé que ce qu’il peut avoir chez lui; c’est donc l’espérance de revenu qui compte.
Au moment où les jeunes africains risquent leur vie dans la mer ou dans le désert pour migrer, les chinois, les turcs, les russes prennent le chemin inverse en menant une grande offensive de conquête d’une place en Afrique devant la France et les USA notamment; quel paradoxe !
On se rend compte que ceux qui viennent en Afrique ont des projets avec les États africains qui les mettent dans les conditions d’investir et de travailler. Par contre, les africains qui sortent clandestinement du continent ont un seul projet clair : quitter l’Afrique à tout prix.
Les causes de ce phénomène sont multiples, allant de l’instabilité politique dans certains pays, aux problèmes de gouvernance dans des pays en paix, en passant par la précarité des métiers de la pêche et de l’agriculture avec les accords de pêche qui ont pénalisé les pêcheurs locaux et les changements climatiques qui affectent les agriculteurs de certaines zones.
Il y a aussi la tertiarisation de l’économie qui n’a aucun lien avec le secteur productif qui explique une bonne partie du problème. La désindustrialisation progressive fait que même ceux ont certaines qualifications ne trouvent pas d’opportunités d’emplois; ce qui décourage d’autant ceux qui sont censés suivre certains types de formation « théoriquement plus pratiques ».
Les solutions sont dans les problèmes posés.
Professeur Abou KANE
Agrégé des facultés de sciences économiques
Assesseur (vice-Doyen) de la faculté de sciences économiques et de gestion de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
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