Soixante- dix -neuf ans après les faits, le documentaire « Thiaroye 44 » se penche sur ce massacre de tirailleurs, rapatriés au Sénégal après avoir combattu pour la France durant la Seconde Guerre mondiale.
Selon les informations, en novembre 1944, la France est peu à peu libérée de l’occupant nazi. Après quatre années de guerre, 1 300 tirailleurs ouest-africains sont rapatriés par l’armée française à Thiaroye, dans un camp militaire de la banlieue de Dakar. Ils réclament le paiement de leurs soldes de captivité ainsi que diverses primes qui ne leur ont pas été versées. Le 1er décembre à l’aube, des coups de feu éclatent dans le camp. L’armée française évoque une mutinerie qu’elle a dû réprimer dans le sang. Pourtant, de nombreuses zones d’ombre demeurent. On ne sait toujours pas combien ont été tués, ni où ils sont enterrés.
Jusqu’ici, « l’affaire de Thiaroye » était considérée comme une « rébellion lourdement armée et une prise d’otage » ayant nécessité une « riposte » au bilan funeste de 35 morts et 35 blessés. En 2014, en marge du sommet de la Francophonie, le président français évoquait encore « un événement épouvantable, insupportable ». Il remettait en grande pompe au président Macky Sall une copie des archives liées à l’évènement. Une commission d’historiens avait même été nommée pour faire enfin la lumière sur ce crime emblématique de l’injustice coloniale. Il n’en a rien été. Rien n’a filtré de ces archives et personne ne s’en étonne. Les élites politiques et scientifiques semblent, au Sénégal comme en France, avoir tourné la page. Le nombre des victimes reste indémontrable. La fosse commune où elles sont enterrées est introuvable. Comme si la mémoire de ces soldats était toujours enfouie, voire dissimulée, dans des rapports de domination qui perdurent.
Pourtant, les faits ne semblent aujourd’hui plus contestables : il s’agit d’un massacre colonial, de l’assassinat prémédité par leurs supérieurs de plusieurs dizaines, voire centaines, de tirailleurs désarmés qui réclamaient le paiement de leurs salaires de combattants. Un crime sans images tombé dans l’oubli, le plus grand crime de masse de l’histoire du Sénégal contemporain. Le premier d’une longue série commise par l’armée française à l’issue de la Seconde Guerre mondiale : Sétif en Algérie, Madagascar, Côte d’Ivoire, Cameroun… Parce que la France estimait ne plus avoir besoin de ses « troupes de couleur », parce qu’il fallait les exclure du récit national, restaurer l’ordre colonial, au mépris de ses valeurs et de ses promesses d’égalité.
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