La quête d’une peau claire est devenue un phénomène social aux proportions alarmantes. Persuadées, souvent naïvement, que le teint clair est la clé de l’attractivité et de la réussite, un nombre croissant de femmes ont érigé la dépigmentation artificielle en véritable culte. Cette pratique, adoptée avec une intensité insondable, reflète une profonde dévalorisation du teint naturel.
Le Mythe de la beauté blanche
L’une des causes fondamentales de cette tendance réside dans la conviction qu’être belle exige de se rapprocher, autant que possible, de l’idéal de la « race blanche ». Il est désormais rare de ne pas croiser, au quotidien, des femmes à la peau dépigmentée. Les conséquences visibles sont souvent dramatiques : des peaux lustrées, multicolores, parsemées de plaques, de vergetures, de croûtes ou d’autres dermatoses. L’aspect des extrémités, notamment des pieds, souvent décrits comme de véritables « pattes de sauriens », témoigne de l’agression subie par l’épiderme.
Ce manque d’estime de soi conduit nos femmes à s’autodénaturer, tombant parfois dans le ridicule au nom d’une beauté standardisée. Le phénomène est d’autant plus déplorable qu’il est de plus en plus précoce, touchant des enfants jusque dans les villages les plus reculés. La dépigmentation est pratiquée, admirée, déifiée et copiée.
Témoignage (Fs.) : « Le blanchiment fait partie de la beauté de la femme. Une femme est remarquée partout où elle passe. Moi, je le fais pour attirer les hommes. J’y réussis, car il ne se passe pas un jour sans qu’on me dise que mon teint fait tomber. Parfois, ce sont même des femmes qui me le disent. Je pense que les hommes aiment la peau blanche. Pour moi, c’est aussi un moyen de montrer que je gère bien ma vie, sans souci. Tant que je n’ai pas trouvé l’élu de mon cœur, je ne compte pas arrêter. Après mon mariage, cela dépendra de mon mari. »
Complexes Historiques et Modèles Médiatiques
Historiquement, ce phénomène trouve ses racines dans un complexe hérité de la période coloniale, où le blanc était perçu comme supérieur et le noir, associé à une malédiction ou au mal.
Cependant, l’aspect le plus saillant aujourd’hui est l’objectif purement esthétique. En Afrique, avoir la peau claire demeure un critère de beauté majeur. Les femmes avouent s’éclaircir la peau pour être belles, pour plaire, ou par mimétisme. L’influence des médias est indéniable : les modèles, à la télévision et dans les magazines, ainsi que les chanteuses en vogue, sont majoritairement des femmes blanches ou métisses (au teint clair).
Témoignage (M.D.) : « J’ai commencé à me blanchir à l’âge de 17 ans. L’envie m’est venue parce que je voulais ressembler à mon idole : une chanteuse de race noire, mais à la peau claire. Je l’estime vraiment. Et puis, il y a aussi la femme de mon marabout qui s’est blanchi la peau. Étant disciple, je pense que nous devons copier le marabout et son entourage. D’ailleurs, il ne l’a jamais interdit. »
Une gangrène sociale sans limites
Les avertissements et les campagnes de sensibilisation semblent n’avoir aucun effet : la « gangrène » s’est introduite dans les corps et les esprits. La volonté est d’avoir la peau la plus claire possible, au point que même des femmes naturellement claires s’y adonnent pour devenir « encore plus claires », se rapprochant ainsi du fantasme de la femme blanche.
Ce complexe extraordinaire, ou cet effet de mode dévastateur, n’épargne aucune catégorie sociale : des paysannes aux intellectuelles, des citadines aux femmes en milieu rural, et même des religieuses, toutes s’y mettent sans vergogne ni retenue.
Conséquences et dépendance
L’usage non médicalisé de produits dépigmentants (souvent des corticoïdes ou de l’hydroquinone à fortes doses) a des conséquences cutanées, rénales et métaboliques notables, avec une faible conscience des dangers.
La pratique entraîne souvent une dépendance : une fois le traitement interrompu, la peau retrouve sa couleur d’origine, incitant les utilisatrices à reprendre de plus belle. Tant que les femmes penseront y trouver leur compte en termes de validation sociale et d’attractivité, elles continueront malheureusement à se blanchir la peau.